L’enfant intérieur en psychothérapie : une voie intérieure vers sa créativité
Il est des voyages que l’on entreprend sans valise ni billet. Parmi eux, la reconnexion avec l’enfant intérieur, ce noyau intime qui porte les traces de nos premières expériences, est l’un des plus profonds et des plus transformatifs. Ce chemin, jalonné de souvenirs, d’émotions refoulées, et d’impressions corporelles, permet de retrouver cette part de nous qui parfois a été ignorée ou négligée.
Cette reconquête de soi ne passe pas seulement par les mots ou les idées. Elle traverse aussi le corps qui garde en mémoire dans ces cellules les échos de l’enfant que nous avons été.
L’enfant intérieur : Une mémoire vivante de notre actualité
Le concept d’enfant intérieur fait référence à cette part de nous qui conserve les empreintes émotionnelles de notre enfance. Une des idées héritées de la psychanalyse classique est que c’est dans les premières années de vie que se construisent nos premiers rapports au monde, aux autres et à nous-mêmes. Sigmund Freud, dans son travail sur les traumatismes et les structures de la personnalité, soulignait que les expériences précoces laissent des marques durables sur l’inconscient, façonnant notre façon d’exister, aimer et désirer.
Mais il ne s’agit pas simplement de souvenirs psychiques. L’enfant intérieur n’est pas qu’un ensemble d’images ou de pensées enfouies. Cet « enfant » s’exprime aussi à travers notre corps qui porte naturellement notre histoire de vie.
L’enfant intérieur : un Voyage à Travers les Sensations Corporelles
Pour comprendre l’importance du corps dans la reconnexion avec l’enfant intérieur, il faut envisager le corps comme un lieu de mémoire, un espace où les émotions et les expériences se sont cristallisées au fil des années. La thérapie psycho-organique met en avant ce lien indéfectible entre le psychisme et le corps. L’idée est simple mais puissante : chaque vécu émotionnel a une manifestation corporelle.
Il est fréquent que le thème de l’enfance s’invite dans les séances de psychothérapie. Une multitude de situations, de souvenirs et de rêves s’invitent alors.
En écrivant ce texte, je me remémore cette patiente qui, au cours d’une séance, s’est trouvée surprise que ces problématiques actuelles (stress chroniques, insuffisance respiratoire chronique) lui fassent penser à son enfance. Cette femme, chef d’entreprise, femme de pouvoir et de poigne, hautement responsable d’elle-même et des autres, n’en revenait pas. Elle n’en « revenait pas ». Je l’invite alors à aller visiter ce qui se passe là-bas pour que son corps y revienne, malgré elle. En explorant son enfant intérieur, nous avons découvert au fur et à mesure une blessure d’abandon remontant à ses 5 ans, lorsque ses parents, vraisemblablement dépassés par leurs propres difficultés, l’avaient souvent laissée seule.
Petite, elle avait la sensation d’étouffer, attendant des égards qui ne venaient pas… Cette blessure ne se manifestait pas seulement par des pensées douloureuses : elle se traduisait dans son corps par des tensions dans la poitrine, une difficulté à respirer profondément. L’air lui manquait. Et il ne fallait pas non plus « avoir l’air de manquer » sinon ces parents étaient également sévères et culpabilisants. Cette femme s’est donnée progressivement le courage de poser ce qu’elle avait sur le coeur plutôt de se réfugier dans « avoir l’air que tout va bien ».
C’est cela à quoi, vraisemblablement, le corps de cette femme voulait revenir pour le traiter et le réparer. Poser des mots, lâcher ce leste et cette colère lui a fait, selon ses propres mots, un « bien fou ». À travers des exercices de respiration et des mouvements lents, elle a pris conscience que son corps portait depuis longtemps cette mémoire de la solitude et de l’abandon. Abandonner ces armures l’a rendu plus légère et elle fût étonnée de constater que ces symptômes d’insuffisance respiratoire se sont très largement attenués. Quelques semaines plus tard, elle m’annonce qu’elle a pu faire du sport sans « cracher ses poumons ».
La psychothérapie par l’enfant intérieur a pu créer un chemin de reconciliation avec son mouvement personnel, son insouciance anesthésiée tellement autrefois elle n’était pas écoutée. Petit à petit, elle a pu reconnecter cette douleur physique avec l’émotion sous-jacente, permettant à son enfant intérieur d’exprimer enfin cette souffrance restée muette pendant des années, et la transformer.
Retrouver l’unité : l’adulte et l’enfant intérieur
La psychanalyse classique parle souvent de la parole comme moyen de libérer l’inconscient. Avec l’analyse psycho-organique, le corps lui aussi a la parole à travers ses manifestations. Le processus thérapeutique ne s’arrête donc pas à la verbalisation des souvenirs d’enfance ; il intègre aussi les sensations et les mouvements du corps pour permettre une guérison plus profonde. La psychothérapie en analyse psycho-organique s’éloigne du simple verbiage ; c’est à chaque séance une invitation à une nouvelle expérience complète et réparatrice du lien dynamique corps-esprit.
Ce voyage vers l’enfant intérieur, par le corps, ne se résume certainement pas à la seule guérison des blessures du passé. Il s’agit aussi de retrouver une unité fondamentale, celle qui relie l’adulte que nous sommes aujourd’hui à l’enfant que nous avons été. Cette reconnexion permet d’intégrer nos différentes dimensions, d’accueillir nos fragilités et nos forces, de se vivre unifié.e.
Car l’enfant intérieur porte en lui bien plus que nos blessures : il est aussi le gardien de notre créativité, de notre joie spontanée, de notre capacité à s’émerveiller. C’est un voyage vers une version plus authentique de soi, où l’adulte et l’enfant coexistent dans une harmonie retrouvée. Le corps devient alors un allié précieux, capable de nous guider vers une guérison plus profonde, plus durable. Il nous apprend à écouter ces voix silencieuses, ces sensations enfouies, et à leur donner l’espace dont elles ont besoin pour s’exprimer.
Disons donc ici que reconnecter l’enfant intérieur par le corps, c’est réapprendre à se faire confiance, à se réapproprier son histoire, et à avancer avec une force nouvelle, plus en accord avec son être profond. C’est un voyage de transformation où, en écoutant l’enfant en nous, nous redécouvrons l’adulte créateur que nous avons toujours rêvé de devenir.